Ah, mais où est donc passé notre test d'Octopath Traveler 0 ? Si on voulait jouer les méchants, on pourrait dire qu’il a été gentiment relégué au fond d’un placard, avec la traduction française. Mais soyons honnêtes, la vérité est un peu plus nuancée : un calendrier surchargé qui se heurte à une œuvre au temps de jeu gargantuesque. Et on le sait, avec les RPG, ça ne se juge pas à la hâte. Ces monstres chronovores se dévoilent petit à petit, avec leurs subtilités qui prennent leur temps pour éclore. Alors non, avec seulement 30 heures au compteur, il serait aussi absurde de lui coller une note qu’un avis définitif. C’est un marathon, pas un sprint.
Après 30 heures de jeu, je suis toujours un peu dans le flou. Octopath Traveler 0, c’est un peu ce voisin qui te capte au coin de la rue pour te parler de ses projets de rénovation et de jardinage pendant des plombes. Pas de potins croustillants, pas d'anecdotes délirantes, ça traîne, ça s’éternise, mais tu ne peux pas vraiment lui en vouloir, parce qu’au fond, c’est un bon gars et tu l’aimes bien. Héritier direct du jeu mobile Champions of the Continent, le jeu nous embarque donc à Wishvale, un petit coin tranquille qui, comme il se doit, va rapidement partir en fumée à cause de trois conspirateurs qui cherchent un anneau magique. Ce précieux artefact finit par atterrir dans les mains de notre héros, que l’on forgera pour la première fois, via un créateur de personnage plutôt minimaliste. Vous aurez la possibilité de choisir une compétence pour définir son background, un plat préféré (très utile pour sauver le monde) et trois objets avec lesquels commencer votre périple. Mais attention, pour les fans de Baldur’s Gate 3 et autres RPG occidentaux, ça n'a aucune incidence sur le reste de l’histoire.
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Fini les huit histoires éparpillées et les héros à la personnalité bien trempée. Cette fois, on incarne un héros muet, une coquille vide qui se laisse gentiment porter par les événements. Sans doute face aux critiques des deux précédents épisodes, l’aventure se recentre sur un seul protagoniste, qui, au fil de ses péripéties, se trouve accompagné de quelques survivants du village. Ensemble, ils se lancent dans deux missions principales. La première consiste à restaurer la ville, mais surtout à introduire la grande nouveauté d'Octopath Traveler 0 : les mécaniques de construction. On peut reconstruire le village à notre guise, poser des maisons, des tavernes, des champs, et tout un tas de bricoles qui, au bout de 30 heures, semblent n’avoir que peu d’impact sur le jeu. C’est rudimentaire, même la personnalisation des bâtiments est limitée (impossible de tourner les structures, par exemple), et, honnêtement, on se demande quel est le véritable intérêt de tout ça. La sous-histoire liée à cette restauration semble aussi être un peu dans l’impasse, et, même après des heures passées à faire pousser des champs, on peine à comprendre où le jeu veut en venir avec cette mécanique. Là où il tente de vraiment nous accrocher, c’est avec les autres rescapés du village. Ce sont eux, parmi une trentaine de personnages à recruter, qui sont les seuls à profiter d’un développement légèrement plus poussé, mais très superficiel, trop pour qu'on s'intéresse à eux. On peut aussi aller récupérer des objets ou des équipements auprès des habitants d’autres villes, ou les inviter à vivre chez nous, voire à devenir l'équivalent des invocations, mais, pour l'instant, c’est juste là, sans réellement convaincre.
Et puis, on arrive au deuxième gros morceau : la quête de vengeance, qui nous plonge dans trois sous-histoires à dérouler dans l’ordre qu’on veut, toujours dans la plus pure tradition d’Octopath Traveler. Ces petites intrigues viennent semer les graines d’une trame plus épaisse, celle qui met en lumière le grand méchant tyrannique, et c’est là que le jeu commence enfin à se structurer de manière plus nette. Au bout de 30 heures, la narration commence enfin à se resserrer, avec seulement deux histoires parallèles et quelques quêtes annexes qu’on oubliera aussitôt. C’est là, enfin, que le jeu commence à réellement nous accrocher. C’est là qu’on se dit : « Ok, Wishvale, ça peut bien attendre, il y a un destin plus grand qui m’attend ». Le scénario devient plus incisif, et là, bingo, des fulgurances scénaristiques qui nous rappellent enfin ce que la licence a dans le ventre. La plume, la vraie, se pointe. Après un démarrage laborieux, on commence à y croire. Sauf que…

Le jeu, fidèle à son esprit « old school », nous fait un clin d’œil aux JRPG des années 90, ces titres qui boudent l’Europe et laissent la traduction dans les cartons. Oui, Octopath Traveler 0 est entièrement en anglais (ou japonais si vous êtes hardcore). Alors, pour ceux qui ont à peine survécu à leurs cours d’anglais au lycée, ça va être rough. Quand on pense que les deux premiers épisodes ont été traduits en français, on ne comprend pas pourquoi Square Enix prive une partie de son public francophone de ce jeu, qui devient par la force des choses inaccessible à une majorité d’Européens.
Un excellent jeu en tour par tour
La vraie force d’Octopath Traveler a toujours été son gameplay. Ah, ce bon vieux tour par tour à l’ancienne, avec sa formule boost and break qui a forgé la réputation de la licence. Et bien sûr, ça n’a pas changé. C’est toujours aussi addictif, mais Octopath Traveler 0 lui ajoute une petite touche qui relève l’ensemble, comme un ingrédient secret dans une recette déjà éprouvée, mais on ne se voit plus revenir en arrière. Cette fois, ce sont 8 personnages qui participent aux combats, répartis sur deux rangs de quatre. Une mécanique qu’on avait brièvement aperçue dans un moment précis de la saga (mais on ne vous spoilera pas, promis), et qui devient ici le cœur du gameplay. Et croyez-nous, ça apporte une vraie dimension stratégique. Chaque tour, vous pouvez intervertir un personnage avec celui qui est derrière lui, jongler entre les rôles et les positions, et ça fait toute la différence, surtout avec les compétences nouvelles qui jouent sur cette nouveauté. Vous pouvez placer votre soigneur en première ligne pour qu’il utilise une compétence qui permet de soigner et de le renvoyer automatiquement à l’abri tout de suite. Vous pouvez laisser un personnage se reposer, pendant que celui de la ligne avant met le paquet pour briser la défense d’un adversaire. Octopath Traveler 0 nous incite à anticiper les attaques futures et à mieux déchaîner les personnages les plus puissants quand le moment est venu de briser l’ennemi.
C’est un petit coup de génie qui oblige à revoir ses méthodes de combat et à s'adapter. Au total, ce sont plus de 30 personnages qui pourront rejoindre vos rangs, dont des figures emblématiques de la licence, chacun avec sa classe bien définie, ce qui ouvre la voie à des compositions d’équipe. Plus que les choix des personnages, il s'agit de stratégies de positionnement en deux dimensions : horizontale, mais aussi verticale. Il va falloir jongler entre les lignes, interchanger les personnages au bon moment, et c’est vraiment rafraîchissant. Dès que l’on a assez de personnages pour exploiter la mécanique, Octopath Traveler 0 nous prouve qu’il maîtrise toujours aussi bien son sujet. Le tour par tour, celui qui est toujours aussi authentique, toujours aussi jouissif, surtout lors des combats de boss.
Et parlons-en, justement, des boss, ces véritables points d'orgue du jeu, avec leur pixel art toujours aussi unique et bluffant. Octopath Traveler a posé les bases du HD-2D, et son esthétique n’a pas pris une seule ride. La Team Asano maîtrise toujours autant son art, avec ses fresques pixelisées et des jeux de couleurs toujours aussi soignés. Pas de surprise, c’est la marque de fabrique de la licence. Mais, soyons honnêtes, on aurait peut-être aimé un petit peu plus de raffinement, comme ce que le studio a fait pour les remakes de Dragon Quest, où quelques ajustements avaient été faits sur les éclairages et les effets visuels. Je chippote, parce qu’Octopath Traveler 0 continue d’émerveiller par sa beauté intemporelle et surtout ses compositions toujours magnifiques.
Avis d'Octopath Traveler 0 après 30h de jeu
Octopath Traveler 0, c’est donc un peu le jeu timide qui n’ose pas trop se dévoiler tout de suite. Il ne parle pas directement votre langue, il vous invite à venir vers lui, à prendre le temps de le comprendre avant de laisser échapper sa vraie personnalité. Dénué de tous les relents du jeu mobile dont il est tiré, il s’engouffre dans une dimension city-builder assez creuse, qui semble plus être un prétexte pour nous occuper en attendant que la ville devienne un véritable centre névralgique de l’histoire. Mais derrière cette petite timidité, Octopath Traveler 0 reste un excellent tour par tour qui nous laisse avec ce goût irrésistible de reviens-y, qui nous appelle dès qu’on jette un œil distrait à sa Nintendo Switch 2. Et je vous vois venir, oui, le jeu tourne comme un charme sur la console et c’est une sucrerie en mode nomade. Aller plus que 70h pour en voir le bout.





